Corsages, vestes, cols et chemisiers

Chemisier entièrement en dentelle de Luxeuil, sur tulle. Manches bordées de perles de rocaille blanches. Etat irréprochable. Vers 1911-1912.
Je l'ai présenté avec le col photographié à droite (autre photo page "Robes et Ensembles"). Ce type d'accessoire donne une tenue supplémentaire au vêtement extérieur. Et j'aime trop les cols montants pour me priver de cet assemblage...! A noter : vu sa provenance, et sa griffe, ce que j'appelle aujourd'hui un col a dû être par le passé un élégant corsage. Le reste à sans doute servi à la confection de robes miniatures....pour poupées.
Vers 1910. Griffé "Melle Geoffroy, Robes et Manteaux, Le Puy".


 Mise en parallèle de deux chemisiers:

J'ai fais ce rapprochement parce ce qu'il me permet de montrer ce que les institutions muséales n'abordent que rarement : les interactions entre Paris et "la Province". Et pourtant, elles furent de taille! On assistait à l'époque à une véritable lutte. Outre la lutte de classe habituelle, où les uns devaient forcément dévaloriser les autres, "la Province" affichait le réel désir d'accéder aux codes vestimentaires "des Grands", en l'adaptant biensûr à sa réalité quotidienne. ( Il n'en a pas toujours été de la sorte, la classe aisée avait en effet puisé de nouvelles aspirations dans la mode vestimentaire du peuple, et ce bien avant la Révolution Française).

1)le modèle bourgeois, directement issu des journaux de mode. C'est une pièce très délicate et fragile, à porter sur un corset. Elle ne permet en aucun cas d'amples mouvements. fermeture au dos. Vers 1900-1902.

2) Un modèle plus populaire, taillé dans un très beau lin. Plus fonctionnel, il ne marque pas tant la taille, et se contente d'affiner le dos, et n'est pas tributaire du corset. La fermeture est beaucoup plus pratique que chez le premier : il s'agit d'un boutonnage frontal, simplement dissimulé par un rabat. Cependant, l'écart diminue si l'on considère la volonté de "coller" au modèle : qualité, plis, broderies à motifs floraux et manches evasées sont là pour rappeler la filiation qui existe pourtant entre les deux. Ainsi, je considère qu'une collection de vêtements anciens doit également réunir des pièces plus populaires. Elles parlent tout aussi bien de notre passé, et sont elles aussi de plus en plus rares. Une mémoire à ne pas négliger...



Steinlen lui-même ne s'y est pas trompé: dans cette eouvre, le nombre de personnages de classe aisée est réduit, comparé à la masse des gens du peuple. Et cet écart numéraire est toujours valable dans les textiles d'époque qui ont été préservés au fil du siècle.


Des heures et des heures de (beau) travail:
Chemisier en fine cotonnade. Entièrement cousu main, en jours "échelle". Boutons au crochet. Col marin. Vers 1914.1915.


 

Col-jabot de soie naturelle. Col très haut, brodé. Deux flots de tulle brodé. Liens d'ajustement. Se portait sûrement par-dessus un autre corsage, et sous un boléro. Circa 1905. Présenté avec une veste (ou boléro) ample noire. Lainage noir ajouré d'arabesques en soie. Doublée soie noire. Vers 1905-1906.


Ces deux pièces, aussi riches l'une que l'autre, s'accordent assez bien même si la photo ne rend pas au mieux les nombreux détails. Elles étaient taillées de manière à exagérer les proportions du torse, et à allonger une taille démesurément mince et basse. C'est alors l'apogée de la fameuse silhouette "en S".


Veste-tailleur en drap de laine gris clair. Manches gigot. Passementerie et faux boutons beiges. Sans griffe. Vers 1903-1904.

Elégance et fluidité, voilà les deux mots qui me semblent qualifier le mieux cette petite pièce destinée aux beaux jours. Rien de bien compliqué, et pourtant l'effet est garanti. On imagine une femme discrète et sans doute déjà active.



 

Corsage ayant appartenu à un ensemble de promenade. Très bel indigo. En soie? et dentelle mécanique assortie. Taffetas plissé du même ton sur les manches et sur le pourtour d'un "faux boléro". Jabot pigeonnant en soie et dentelle. Boutons de nacre. Petit col orné d'un galon de velours. Ceinture corselet. Vers 1906.
Comme pour les corsages suivants, on ne peut que regretter l'absence de la jupe assortie. Il va falloir l'imaginer....


Trois corsages de soirée, ou de réception. Le noir est entièrement recouvert de tulle brodé de sequins noirs (motifs de rubans noués), orné d'une "cravate" en frou-frou. Bel effet de transparence pour le col. Griffé Mme Establies, 10 Bis, rue Lamartine. Robes et Manteaux". Circa 1905. Le second (de dos) est quant à lui fait d'un beau taffetas de soie bleu nuit, recouvert d'une fine mousseline de soie noire. Broderies noires et perles de jais, bords des manches frangés. Celui-ci n'a peut-être jamais été porté, ou même achevé. Quelques détails l'indiqueraient en tout cas. Sans griffe. Vers 1911.

           

Le dernier, quant à lui, est en dentelle noire sur satin. l'effet de transaparence est intéressant : le col de dentelle (rebrodé de perles argentées) est doublé mousseline de soie écrue. La fermeture n'est pas frontale, comme on pourrait le croire à  première vue, mais située au dos. Boutons ronds recouverts de perles de jais et pendants de perles. Griffé " Maison Rico, 1 rue Vicat, Grenoble". Vers 1909-1910.


  Deux corsages de ville ayant appartenu à un ensemble, usant des même techniques: lacets et broderies multicolores. Le premier (1909-1910) avait la particularité d'arrondir la poitrine, tandis que la jupe devait être plus étroite et plus près du corps. Visuellement, la silhouette se reprochait d'un i . Ce qui conduisit par la suite à gommer les formes qu'avant on avait exagérées, vers une mode axée sur une vision plus "juvénile" de la féminité.

Le second, antérieur, se rapproche de la robe en soie camel clair, vers 1908, mais correspond à une toilette plus hivernale (épais drap de laine). Une ceinture assortie devait compléter le tout.

         


 Et voici ma toute première acquisition, à une époque où je ne soupçonnais encore pas qu'il était possible de trouver des costumes anciens! Vous imaginez mon bonheur, car la découverte était déjà très plaisante. Beau début...

En taffetas noir, manches gigot froncées. Dentelle mécanique, passementeries et boutons décoratifs. Col blanc rapporté ultérieurement. Griffé " Mme Chalon, robes et confections, Bourges ". Vers 1899-1900.

       


  Un petit saut dans le temps:
Corsage de soirée en satin écru. Courtes manches plissées. boutonnage frontal. "Griffé Mme Gabrielle, Modes et confections, 205, rue Saint Honoré". (Paris, non précisé!). Vers 1860-1865.

Une jolie pièce, bien préservée, sobre et riche à la fois. On remarque d'ailleurs l'étroitesse du buste, la taille est minuscule...c'est à cette époque que certains abus eurent lieu, le corset étant extrêmement contraignant( comme la société, cela va souvent de pair). Il arrivait alors de voir des jeunes femmes mourir sans raison apparente, ou d'autres se brisant des côtes par un serrage excessif...mais il ne faut pourtant pas généraliser ces pratiques, c'est à nuancer!. Toutes les époques ont leurs "lubies"...


Corsage. Sans griffe. Vers 1873-1875.

Cette pièce étonnante est la seule que je possède de cette période. Là aussi, c'est vraiment dommage de ne pas avoir la jupe, qui devait être également raffinée. On imagine aisément une ample tournure, donnant un aspect encore plus solennel à cette toilette. Une fois encore, je suis sortie de mon choix temporel...mais je crois que c'est pour la bonne cause, il est difficile de ne pas succomber!

       


  Un corsage reconverti: au tournant de la décennie 1880 (1888-1889), on se rapproche de ce qui suivra dans les années 1890. Le faux-cul devient plus raisonnable -quoi que, cela dépend- et on s'achemine vers des jupes parapluies, fluides, dénuées de plis extravagants et baroques. Il en va de même pour les corsages : c'est l'avènement de la manche gigot, qui connaîtra son apogée environ 6 ans plus tard. Le corsage suivant est une adapation aux changements capricieux de la mode. Le boutonnage frontal est désormais partiellement dissimulé, en plissant les côtés (le corps est en apparence beaucoup moins "gainé"). On garde le petit col officier, mais on crée de nouvelles  manches, annonçant bel et bien la célèbre  manche gigot. La basque arrière, qui avant était plus longue, se trouve réduite façon tailleur. La jupe, ayant malheureusement  disparu, a dû être réemployée pour cette reconversion. Mais qu'importe : il est de plus en plus d'usage de porter des pièces désassorties, ou un chemisier avec une jupe unie. C'est un peu le commencement des codes vestimentaires modernes, pouvant maintenant s'apparenter au port d'un jean et d'une chemise.

   

Corsage en satin vert forêt. Sans griffe. Vers 1889-1891.


Corsage en dentelle mécanique crème doublée coton et soie. Découpe assymétrique soulignée par un flot de mousseline de soie et un ruban de velours vert olive. Manches bouffantes resserrées par deux galons du même velours. Sans griffe. Vers 1904-1905.

Une tenue bien printanière, vraisemblablement destinée à une jeune femme de petite carure. Les toilettes claires sont assez rares, en tout cas par chez moi. Celle-ci est minuscule, d'ailleurs elle a dû être passée à la machine à laver...c'est un miracle qu'elle s'en soit bien sorti! Un seul "détail":  même si c'est totalement invisible, elle en a rétréci! il ne faut jamais faire subir un tel traitement aux textiles anciens, toujours plus fragiles qu'on peut ou veut le croire...


Le corsage suivant est une véritable ruine complètement inexposable, mais j'ai voulu l'ajouter par égard à sa qualité et son originalité. C'est en effet un des avantages de la photographie, ici à prendre comme document informatif sur ce qui pouvait se faire il y a un tout petit peu moins de cent ans. J'ai dis corsage, mais au départ ce devait être une robe d'une seule pièce, avant qu'elle n'aille habiller de petites poupées. Elle était montée sur un épais lainage bordeau, recouvert de soie bleue pâle au col, et sur le bas des manches. La dentelle et les incroyables passementeries à longs cordons de pompons restent remarquables, et suggèrent un vêtement bourgeois destiné à l'automne et l'hiver. Nous pouvons juste l'imaginer, ou nous en inspirer...Vers 1907-1908.



 

Une exception qui confirme la règle: d'ordinaire je ne m'intéresse que de très loin au costume masculin - je suis loin d'être la seule- mais j'avoue que là, je n'ai pu résister. Il s'agit d'un gilet en velours ras maron, rebrodé de délicates feuilles violettes et magenta. les boutons représentent des étoiles ( boutons émaillés). Pour sa qualité et son originalité, je suppose qu'il s'agit d'un veston de marié...
Présenté sur un col de soie à boutonnage. Vers 1900-1910.

 



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