Précédente AccueilLa robe d'apparat présentée ici révèle le goût d'une époque, voire le goût d'une Princesse exceptionnelle. Connaître les grandes lignes de sa vie permettent de mieux appréhender ce vêtement, dans le cas où celui-ci lui aurait effectivement appartenu... Si Marie Bonaparte n'aimait pas le mobilier Empire, contrairement à son mari qui le collectionnait, elle était en revanche amatrice de robes à taille haute, de style Empire. Ce style revenu en faveur autour de 1907 semble avoir accompagné sa jeunesse parisienne : une série de photographies par Reutlinger la montre en effet vêtue d'une robe à l'Empire, en soie diaphane, et quelques chroniques font état de son goût pour ces lignes historiques. ( après 1910, elle portera souvent d'amples vestes et des négligés de style kimono )
Cette robe est étonnante à plus d'un titre. A-t-elle été confectionnée pour un bal costumé ? Fait-elle effectivement partie du trousseau de mariage? Difficile de l'affirmer. Mais voici ce qu'on trouve dans des articles du New York Times de l'automne 1907 :
"Paris, 9 novembre. Le trousseau de la Princesse Marie Bonaparte, dont le mariage avec le Prince George de Grèce sera célébré le mois prochain, a été placé en exposition afin que le tout Paris l'admire. Une telle présentation aussi magnifique n'a pas été vue ici depuis le début de la Troisième République. Il y a 65 costumes différents, une douzaine de chapeaux, une profusion de fourrures coûteuses et de zibelines, des hectares de linge, et des piles de lingeries délicates. La lingerie seule coûte 80000 dollars. Les magnifiques jupes et autres vêtements que la mariée portera le jour de ses noces attirent particulièrement l'attention. La princesse a été la cause de beaucoup de critiques par les Parisiens, parce que le trousseau entier a été acheté dans une seule maison de couture, qui n'est pas française, mais autrichienne."
"Paris, 13 novembre. Le Paris féminin a été révélé par les détails resplendissants du trousseau de mariage de la Princesse Marie Bonaparte, la fiancée du Prince George de Grèce. Je reviens juste d'une visite privée de ce trousseau, rue de la Paix. Parmi les joyaux, l'objet le plus frappant est un diadème de diamants et d'émeraudes, arrangé de telle manière que les émeraudes peuvent être retirées, de façon à donner une tiare de diamants uniquement. Ensuite il y avait une pièce d'estomac (ou clip de corsage?) faite de feuilles d'olivier en diamants, avec des rangées de perles splendides, un peigne avec les feuilles en perles, et aussi des boucles d'oreilles indénombrables. Les boucles de fiançailles avaient un magnifique rubis brut surmonté de diamants. Il y avait à peu près 60 robes dans l'exposition. La robe de mariée est en brocart orné de magnifiques fleurs d'argent. Une simple pièce de dentelle à l'aiguille surmonte le voile nuptial. Les chaussures sont également en vrai tissu d'argent, avec des boucles en diamants, également vrais.Parmi les robes de gala se trouve une toilette en satin blanc, dont la blouse est couverte de vieux Cluny d'argent. Elle a été brodée d'argent et ornée de diamants. Une autre robe de gala est en satin blanc, avec un reflet semblable à la perle, ornée de diamants et de broderies iridescentes. Ensuite il y en a une autre en délicat tulle gris bleu orné de perles, et encore une autre, une robe princesse en satin rose souligné de velours rose et ornée de milliers de paillettes brillantes. Une en tulle cerise, une en velours bleu, une en crêpe de Chine blanc, et une robe noire d'une grande distinction ajoute de la variété à la garde-robe. Il y a aussi beaucoup de chapeaux. Il y en a un en taffetas rose, voilé de mousseline de soie et décoré d'une énorme rose rose; un autre recouvert de satin blanc et agrémenté de plumes d'autruche et de marabout rose ; un autre en satin noir doublé de rose, la passe recouverte d'aigrettes et de marabout roses, et il y a aussi un grand nombre de toques de fourrure agrémentées de marabout et d'aigrettes. Tout ce qui a été écrit plus avant donne sans aucun doute une idée de la splendeur qui caractérise ce trousseau royal, ce qui est confirmé par les experts de mode féminine de Paris. Les bijoux, robes et chapeaux sont surpassés par le linge de maison qui est d'une incroyable et riche beauté. De rares dentelles et d'exquises broderies sont combinées de façon innombrable. Le trousseau comprend une centaine de paires de chaussures, faites expressément, biensûr, pour aller avec différentes robes. Quand la Princesse foulera le sol grec, par exemple, son petit pied se glissera dans une chaussure aussi bleue que le ciel de Grèce. Sa robe sera de la même teinte. Il y a des chaussures d'or et d'argent, tant et plus. Et il y a plus de deux cents paires de bas à assortir aux chaussures, lesquelles s'assortissent aux robes. Il y a aussi 36 paires de gants."
De tels articles sont éloquents, et certaines descriptions de robes ne sont pas sans rappeler la présente toilette...une autre source précise également la particularité de la Maison Drecoll : un goût inimitable pour l'ornement de précision, et la richesse incroyable des applications ou des broderies.
Si vous souhaitez en savoir plus, une première exposition est actuellement consacrée à Marie Bonaparte et à sa famille, aux Musée des Avelines, à Saint Cloud. Un excellent catalogue retrace sa vie et son oeuvre. Lien vers le site du musée : www.musee-saintcloud.fr
De ce mariage d'amour, naissent deux enfants : Pierre de Grèce (1908-1980) et Eugénie de Grèce (1910-1988)En 1923, Marie lit L'Introduction à la Psychanalyse de Freud. Elle en sera la première traductrice française. Elle rencontre Freud l'année suivante, qui accepte de l'entendre en séances de psychanalyse. Débute alors entre eux une longue correspondance, et une profonde amitié, jusqu'à la mort de Sigmund Freud en 1939. En outre, contre le paiement d'une rançon, Marie Bonaparte réussira à faire sortir Freud et sa famille d'Autriche, alors qu'ils étaient menacés par les nazis.A l'incitation de Freud, Marie devient la première femme psychanalyste et sa représentante en France, et installe son cabinet dans la demeure familiale de Saint Cloud. Elle participe à la fondation de la Société Psychanalytique de Paris en 1926. En 1939, Paris est occupée et la Grèce menacée, Marie et la Famille Royale Grecque partent en exil en Afrique du Sud jusqu'en 1944. "Le 19 décembre 1942, elle participe à un ''meeting monstre" de protestation, à l'Hôtel de Ville du Cap, après avoir appris l'existence des camps de la mort et le génocide planifié par Hitler. La fin de la guerre va la voir revenir à Paris, fin février 1945, où elle accueille à l'hôtel Lutetia les premiers déportés." ( extrait du catalogue Marie Bonaparte, Portrait d'une Femme Engagée, Musée des Avelines). En 1959, soit 3 ans avant sa mort, elle tente en vain de sauver Caryl Chessman de la peine de mort, qu'elle rencontrera à la prison de San Francisco en 1960. Marie Bonaparte a toujours été une fervente militante contre la peine capitale, et elle ne se remettra jamais de cet échec...Marie Bonaparte meurt non loin de sa résidence de Saint Tropez, le Lys de Mer, le 21 septembre 1962. Selon ses voeux, ses cendres seront ramenées en Grèce, auprès de son époux.
C'est avec émotion que je dédie cette page à une robe d'exception, mais aussi à une personne d'exception. La robe d'apparat que voici aurait en effet appartenu à Marie Bonaparte (1882-1962), arrière petite-nièce de Napoléon Bonaparte, princesse de Grèce et de Danemark par son mariage. S'en tenir là serait déjà faire état d'une formidable provenance. Or, ce serait omettre la vie et l'oeuvre d'une princesse humaniste et généreuse. Cependant, mes sources étant restreintes, je ne peux affirmer cette provenance avec certitude et dois conserver un devoir de réserve, en attendant de nouvelles informations.
Fille de Marie Félix Blanc et du Prince Roland Bonaparte, orpheline de mère, ayant passé son enfance au domaine familial de Saint Cloud, la jeune Marie fit preuve très tôt d'un esprit critique et curieux. Ses cahiers, qu'elle appelle "Bétises" relatent son enfance solitaire et rêveuse, placée sous l'étroite surveillance d'une grand-mère plutôt sévère. Pour s'assurer de garder secrets ses écrits, elle rédige ses "bêtises" en anglais, dès l'âge de 7 ans... Avec un père fasciné de botanique et de géographie, à la tête d'une bibliothèque digne des plus grands universitaires, l'éveil scientifique de Marie Bonaparte est assuré. A l'été 1907, elle rencontre George de Grèce (1869-1957), de 13 ans son ainé. Le mariage sera célébré en fin d'année. Mariage civil à Paris, et mariage religieux à Athènes le 12 décembre 1907. A l'occasion de ses noces somptueuses, Marie commande une garde-robe complète et du linge de maison pour un montant total de 500 000 francs (soit presque la moitié de ses rentes annuelles). Le fournisseur de ce merveilleux trousseau, composé d'environ 65 robes? Drecoll. Scandale parisien, car lors de l'exposition du trousseau à l'Hôtel des Modes, les visiteurs critiquèrent cette décision de ne pas avoir choisi une Maison française...mais autrichienne.La robe de gala ci-contre ferait partie de ce trousseau.

Suivante AccueilL'ensemble du bolduc est difficilement lisible, à l'exception du nom de Marie Bonaparte. "Lavernière, Variétés R"? Une grande part du mystère subsiste...
Robe de bal ou de gala en une pièce, en cannelé de soie broché et moiré de teinte champagne, agrémentée d'applications de motifs floraux et de coeurs en lamé d'argent, cordonnet et paillettes d'argent. Corsage recouvert de dentelle d'argent au fuseau, de lacets et paillons d'argent travaillés en spires. Mancherons ou "ailettes" de métal recouverts de lames d'argent, de mousseline pailletée et perlée, surmontant de petites manches ballons bordées de dentelle blanche. Manteau de cour simulé, ouvrant sur une sous-robe de crêpe de soie ivoire à traîne, agrémentée sur le devant d'une chute d'échelles de volants de dentelle brodée et pailletée, avec dans le bas une incrustation de satin pailleté. Les bords intérieurs du manteau sont doublés de velours peluche ivoire, piqué de queues d'hermine. Doublure coton et satin de coton rose, portant un bolduc de lin avec inscriptions à la plume, dont "Marie Bonaparte" en italique. Sans griffe. (perdue?).1907.
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